Comment (sur)vivre suite au départ de son cheval ?

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un sujet pas super folichon, on se tape pas de grosses tranches de rigolades quand on en parle mais comme on me l’a toujours dit « La Mort, ça fait partie de la Vie. » & si certaines personnes ont eu la malchance de connaître de nombreux décès au cours de leurs vies, pour d’autres le départ de leur cheval (ou autre animal de compagnie) est la première rencontre avec la dure réalité de l’existence. Il y a un début & une fin.

Cet article n’a pas d’autre vocation que de partager mon vécu, mon ressenti & surtout peut-être apporter un certain soutien aux personnes qui ont perdu leur ami & qui peuvent culpabiliser d’avoir l’impression d’avoir « trop bien » vécu ce décès. Chaque individu vit son deuil à sa façon, à son rythme, exprime ou non sa peine, & personne n’a le droit de juger quelqu’un sur sa façon de faire son deuil ou le temps qu’il lui faut pour le faire. Personne n’a le même vécu, le même passé, la même éducation.

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En Août 2014, j’ai perdu ma petite jument Douune. Elle avait perdu de l’état mais était en forme, je l’avais d’ailleurs encore montée la semaine précédente. Ces derniers mois, elle avait eu plusieurs épisodes de coliques où elle s’en est toujours sortie alors qu’on était déjà dans l’idée qu’il allait falloir la laisser partir. Mais ce bon gros poney tenait toujours bon, se redressait non sans mal sur ses quatre jambes & c’était reparti pour un tour.

Puis jusqu’à ce jour d’Août où je la trouve couchée, je sais d’emblée que quelque chose ne va pas. En effet, ayant des problèmes aux jarrets, elle ne se couchait plus car il lui était impossible de se relever seule. Je me suis alors approchée & ai vu des marques sur tout son corps, ce qui laissait penser qu’elle s’était roulée avec vigueur à s’en blesser jusqu’à la tête.

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Les soins apportés ce jour-là lui feront grand bien. Elle retrouvera la forme, recommencera doucement à manger, trotter, elle était vive. Le vétérinaire passe l’examiner quand même (après de nombreux appels à d’autres vétérinaires estimant que je n’appelais pas pour une réelle urgence ..), tout semblait normal.. Température, pouls, muqueuses, transit bref .. Etant donné l’hématome conséquent qu’elle avait sur l’avant bras, nous en avons déduit qu’à son âge cet hématome était la cause de sa mauvaise humeur, son manque d’envie de manger ou se déplacer. Cela nous rassure donc. Même si avant d’aller me coucher, je trouve très étrange que ma jument soit complètement recouverte de taons & soit extrêmement froide au toucher..

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Il est environ 7h quand mon téléphone sonne le lendemain matin, j’avais un mauvais pressentiment rien qu’à l’entendre, mais lorsque j’ai vu « Papa » s’afficher, je savais que ce n’était pas une bonne nouvelle que j’allais avoir ce matin là. Il fut concis, « Tu peux venir ? C’est fini .. » Je me souviens parfaitement de ce jour-là. Je n’ai pas pleuré. Je suis arrivée dans le pré, je me suis assise à côté d’elle. Ma mère nous a alors rejoint & nous sommes restés à côté de ma petite jument, sans larmes, sans cris, rien. Nous étions juste là. Puis j’ai finalement lâché un « Il faudra trouver un vétérinaire pour l’autopsier. » avant d’envoyer un message groupé à mes amis, me lever & aller chercher ses copains de pré « je sais pas si ça servira à quelque chose, mais je veux qu’ils la voient. »

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Puis nous sommes partis en quête d’une bâche afin de la recouvrir pour éviter aux voisins une belle vue sur un cadavre de cheval de bon matin. Une fois tout ceci fait, je me suis préparée afin d’aller en concours. Oui, « comme si de rien n’était ». Ma jument était morte, oui, j’en étais bien consciente, mais j’estimais que la vie ne s’arrêtait pas à ça. Quoique je fasse de ma journée, elle n’en serait pas moins morte à la fin de la journée. Ne vous méprenez pas, j’aimais ma jument, je l’aimais plus que tout.

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Puis la vie a continué. Avec des moments de hauts & de bas, où j’ai pleuré, pudiquement dans mon coin. J’ai tout de suite réussi à parler d’elle en riant, sans crises de larmes. Ma vie à ses côtés a été pleine de joie, & c’est ce dont j’ai toujours voulu me souvenir, comment ma jument m’a fait passer du stade d’enfant à celui d’adulte.

Puis en Octobre 2014, j’achète Atina que je montais depuis presque un an déjà. Je n’avais pas spécialement prévu d’acheter un cheval. Je ne sais pas ce qui m’a poussé à l’acheter. Je n’en ai parlé à personne, j’ai juste dit aux propriétaires « Je l’achète. »

Ce n’est que très récemment que j’ai compris ce qui m’a poussé à l’acheter mais aussi les raisons qui font que nous arrivons vite au conflit. Inconsciemment, j’avais retrouvé ma Douune à travers Atina. Sa douceur, sa bienveillance, son regard plein de tendresse. Je pense que sans le vouloir, je me suis raccrochée à Atina pour remonter la pente & aller mieux, en l’aidant à aller mieux. Je n’ai pas acheté Atina pour remplacer Douune. Mais je me suis simplement rendu compte que mes exigences envers elle, envers notre couple avaient été décuplé par son achat. Pourquoi ? Je ne le sais pas, puis que j’ai largement dépassé ce que j’avais accompli avec ma Douune.

J’ai parfois culpabilisé d’avoir si « vite » fait mon deuil, de ne pas avoir pleuré, d’avoir pu remonter le jour-même, d’avoir rapidement racheté un cheval. Lorsque je voyais les autres, je me demandais ce qui clochait chez moi.. Pourquoi je n’ai eu aucun souci à regarder ma jument se faire ouvrir ? Pourquoi je n’ai eu aucun souci à aider mon père à charger ma jument sur le tracteur ? Pourquoi je n’avais pas la réaction que je pensais avoir à chaque fois que j’imaginais ma jument partir ? Cela restera pour l’instant un mystère, peut-être que je mettrais à nouveau deux ans à comprendre.

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4 réflexions sur “Comment (sur)vivre suite au départ de son cheval ?

  1. Même s’il est vrai que ta façon d’affronter le décès est peu commune et surement à l’opposé de ce que je vivrais un jour avec mon Glénan, merci pour ce bel article. En le lisant, j’ai ressenti une plus grande tolérance et un non jugement de l’autre. Ça fait du bien !

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  2. Noch

    Je ne te cache pas qu’à la lecture de ton article je suis un peu ‘jalouse’… Pour ma part, un an et demi après, j’en pleure toujours. Mais tant mieux et heureusement pour toi que la vie a continué !

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  3. Je sais que quand Sirène partira (le plus tard possible j’espère) je vais pleurer jusqu’à être déshydrater …
    C’est peut être juste une force, tu t’y étais préparé et finalement tu l’as laissé partir dans le calme et c’est pas plus mal 🙂

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  4. Merci pour cet article qui éclaire les différences. Evidemment qu’on ne vit pas tous les choses de la même façon. Peut-être as-tu « simplement » la chance de savoir faire face et accepter la réalité. Savoir laisser partir est une compétence rare je pense. Respect à toi.

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